Bien qu’il soit grand d’avoir une foi droite et une saine doctrine, et que soient dignes de louange la sobriété, la douceur et la pureté, toutes ces vertus demeurent pourtant vaines sans la charité. Et on ne peut pas dire qu’une conduite excellente soit féconde si elle n’est pas engendrée par l’amour (Saint Léon le Grand, 5e siècle). Comment pratiquer cet amour d’agapê? Dans le cadre de ces quelques pages, je soulignerai quelques pistes inspirées de nos Fondateurs. À chacun, à chaque fraternité, à chaque groupe, de concrétiser.

La charité affine la conscience évangélique

Trop souvent, les règles de la charité ont donné lieu à un nouveau code moral: la charité te demande de… t’interdit de… oubliant qu’il s’agit avant tout d’une mystique, c’est-à-dire d’une communion de vie étroite avec le Christ et avec la Trinité. Ainsi, si je suis patient, ce n’est pas parce qu’il faut être patient pour être un bon chrétien, mais d’abord parce que Dieu est patient, parce que le Christ a été patient et c’est cette patience de Dieu que je suis appelé à vivre! Il en va ainsi de tous les aspects de la charité. Ainsi peut s’affiner notre conscience évangélique: notre morale sera de calquer nos mœurs, notre manière de vivre, sur les mœurs de Dieu lui-même! Y aura-t-il encore place pour ce que nous appelons si souvent les petites médisances? Mère Adèle donne un bel exemple de cet affinement de nos comportements: Siérait-il à une épouse de Jésus-Christ de montrer un caractère aigre, hautain, impatient et si peu conforme à celui de son divin Epoux? (Lettre 274.4). Elle fait le lien avec l’Eucharistie: Nous recevons un Dieu qui aime tous les hommes: qui ne fait point acception de personnes; ne le recevons donc jamais avec un cœur qui aurait quelque chose contre son frère. Appliquons-nous à avoir cette charité pour nos frères qui nous fasse renoncer à nos inclinations, à nos plus chers intérêts, pour conserver le lien de la paix (Lettres 65.5).

La charité est le lien d’union entre les congréganistes

À maintes reprises, le père Chaminade a exhorté à l’union des cœurs, car, pour lui, le témoignage de charité fraternelle entre chrétiens est la première évangélisation. L’union des premiers chrétiens et celle qui doit exister entre les Congréganistes est toute fondée sur la charité. La charité en est et le principe et le lien. Elle a pour modèle l’union même des trois personnes adorables de la très sainte Trinité. Cette union des esprits et des cœurs qui de toutes les âmes ne forme en quelque manière qu’une seule âme dans des corps différents, fait éprouver aux chrétiens sur la terre, dans leurs réunions, un avant-goût de cette félicité des bienheureux qui résulte de leur réunion dans le séjour de la gloire (Écrits et Paroles I, 58.5). Mère Adèle exprime les mêmes convictions à partir du même modèle, la primitive Église: Nous ne faisons qu’une famille. Ne formons qu’un cœur et qu’une âme qui soit à Dieu seul, occupé sans cesse à L’aimer et à Le faire aimer (Lettre 325.3). L’union des cœurs se réalise dans le Cœur du Christ. L’union fait la force et les chrétiens ont besoin de se serrer les coudes pour vivre l’Évangile: un chrétien isolé est un chrétien perdu; nous le sentons bien aujourd’hui, tant chez les jeunes que chez les plus anciens. Union, mais sans confusion! C’est le principe même de ce que saint Jean Paul II appelle une Église- communion. Il ne s’agit pas de gommer les différences – tendance très actuelle – comme si différence impliquait infériorité ou supériorité. Le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas l’Esprit, ils ne sont pas interchangeables! et pourtant ils sont un unique et même Dieu et leur Unité est parfaite.