Le but de notre route est fixé: devenir UN avec le Christ, Fils du Père, devenu Fils de Marie pour le salut des hommes. Dieu lui-même se met au travail pour nous modeler à l’image de son Fils: en nous donnant son Esprit et une Mère, Marie. En alliance avec lui, nous pouvons nous mettre à l’ouvrage: dire OUI au travail de Dieu en coopérant à son oeuvre. Ce oui est celui de tout notre être, comme le préconisaient nos Fondateurs. Sans cette implication de toute notre personne, dans son unité, notre vie spirituelle restera boiteuse.

1. Dire OUI avec sa tête

Ne nous faites pas quelque chose d’intellectuel, collez à la vie! Cette remarque entendue de nombreuses fois m’a toujours laissé songeur. Comme si, dans le domaine de la foi et de la vie spirituelle, il fallait oublier ces dons de Dieu que sont l’intelligence, la raison, le jugement, le discernement, la mémoire, toute cette zone mentale qui fait de l’homme un être raisonnable. Et tout travail « intellectuel » est soutenu par les dons de l’Esprit, comme l’intelligence, le conseil, la sagesse. Saint Thomas d’Aquin priait ainsi: Donnez-moi la pénétration pour comprendre, la mémoire pour retenir, la méthode et la facilité pour apprendre, la lucidité pour interpréter et une grâce abondante pour m’exprimer. Ce qu’il faut éviter, c’est l’intellectualisme, comme tous les « -ismes » d’ailleurs qui manifestent une sclérose, voire une tyrannie. Pensons à « mise en commun et communisme », « volontaire et volontarisme », « dogme et dogmatisme », et vous pouvez en trouver d’autres… Comment dire oui avec sa tête? Deux exemples: les vérités révélées exprimées dans le Credo. L’intelligence de la foi permet de comprendre ces vérités, d’en voir les implications dans la vie, de les confronter avec les cultures, etc. Effort d’intelligence. Autre exemple: quelqu’un veut devenir obéissant comme le Christ. Que signifie « obéir »? Ce mot est tellement chargé d’images partielles ou fausses, d’expériences mal assumées que notre homme risque de se fourvoyer sur des chemins qui ne mènent pas à l’obéissance du Christ. Il est donc nécessaire de s’informer, de réfléchir. N’est-ce pas l’attitude de la jeune Marie dans son dialogue avec Dieu (l’ange) Comment cela se fera-t-il? ou face aux événements surprenants comme la « perte de Jésus au Temple »? Pour pouvoir dire OUI avec sa tête, il est donc indispensable de s’instruire. Voilà le premier moyen préconisé par nos Fondateurs. Le père Chaminade n’a pas ménagé sa peine pour instruire les chrétiens de tous bords qui fréquentaient La Madeleine, tellement il était persuadé que la foi devait s’appuyer et se construire sur des fondements solides. Voilà en partie le rôle de ces articles que vous lisez: comprendre la vie spirituelle et ses étapes, comprendre le chemin que nous proposent nos Fondateurs. Vous allez me dire: Je connais des gens qui font de beaux discours sur l’Évangile, la charité, l’humilité… mais ce ne sont que des discours! Oui. Avoir de belles idées sur l’obéissance n’est pas encore être obéissant! C’est l’illusion qui guette tous les professionnels de l’enseignement, en particulier en théologie spirituelle. Voilà pourquoi il est indispensable de…

2. Dire OUI avec son cœur, passer de la tête au cœur

Notre époque est marquée par un retour en force de l’affectif, en réaction à une religion trop cérébrale, se défiant des sentiments. Et j’entends des remarques comme celles-ci: je n’arrive pas à prier, je ne sens rien; je sens que c’est à cela que Dieu m’appelle. Autant nous ne pouvons rejeter l’affectif puisque Dieu nous touche par sa Parole, autant nous ne pouvons en faire l’unique critère de notre relation à Dieu et de notre foi. Reprenons nos deux exemples. En étudiant le Credo, je puis comprendre que Jésus est venu pour nous et pour notre salut: la promesse de Dieu dans la première Alliance se réalise en Jésus. Lorsque cette vérité passe dans le cœur, jaillissent des sentiments d’adoration, de louange, de repentir. Cette vérité n’est plus une notion, elle touche mon existence. Elle devient expérience: Jésus me sauve, Jésus sauve ceux que je côtoie… L’obéissance du Christ devient « désirable », et nous nous prenons à aimer cette obéissance. L’amour devient le moteur puissant qui nous met en route. Ce passage de la tête au cœur se réalise par l’oraison. Ce temps où nous nous livrons à l’Esprit, où la Parole de Dieu, telle une semence, tombe dans la terre de notre cœur, germe, grandit et produit du fruit. Imperceptiblement, mais sûrement. Dans l’oraison, le Père nous remodèle à l’image de son Fils par le souffle de l’Esprit. Une bonne oraison n’est pas celle où nous développons des idées sublimes (à moins qu’elles nous soient données), ni celle où nous avons des bouffées de chaleur (à moins que le feu de l’Esprit nous embrase), mais celle où, argile entre les mains du potier, nous le laissons nous façonner un cœur obéissant, humble… On peut disserter avec brio sur l’obéissance, éprouver de l’enthousiasme à la pensée de faire en tout temps la volonté du Père, reste la pratique!

3. Dire OUI avec ses mains, dans l’action

Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui l’observent. (Luc 11,28); Jésus s’en est pris à ceux qui disent et ne font pas. Le père Chaminade parlait de « foi pratique ». Pour vérifier l’incarnation de notre foi dans la vie, nos Fondateurs nous recommandent de pratiquer l’examen spirituel, qui ne s’identifie pas à l’examen de conscience. Il ne s’agit pas tant de porter un jugement moral sur notre vie pour y découvrir ce qui est péché, que d’un moment où nous accueillons la lumière de l’Esprit – pour reconnaître les visites et les appels de Dieu (ce que nous avons compris, ce qui nous a touchés) et en rendre grâce; – pour voir comment nous avons répondu: en quoi et comment ai-je pratiqué l’obéissance, en quoi et comment n’ai-je pas obéi au Père? Remercier et demander pardon; – pour bâtir un avenir plein d’espérance: demain, avec la grâce de Dieu, comment et en quoi vais-je obéir? En un temps où l’homme cherche à unifier et à équilibrer sa vie, ces trois points d’attention permettent de répondre à cette attente. Et les trois moyens préconisés permettent d’éviter bien des illusions et des faux pas.