À la suite de la lecture du précédent article, sans doute avez-vous constaté que des passions vous habitaient et faisaient parfois grand bruit! et qu’elles vous amenaient parfois à poser des actes que vous regrettiez ensuite. Comment donc obtenir un brin de silence intérieur, la paix du cœur? Encore une fois, « silence » n’est pas mutilation. Rappelez-vous: le silence de la parole consiste à parler; le silence des signes consiste à s’exprimer. De même pour les passions: imposer silence consiste à orienter, à purifier, à libérer.
Quelle passion domine en nous?
Se connaître pour mieux suivre le Christ consiste aussi à savoir quelle passion domine ordinairement en nous. Et pour le savoir, il suffit de se poser la question: quel est le motif, le pourquoi de mes actions ou de mes réactions. Ainsi, je sens monter fréquemment en moi la crainte, ou la colère, ou l’inimitié… Pourquoi? orgueil blessé? jalousie? manque de confiance en soi? indignation devant le mal?… Si ensuite, nous voulons savoir si nos passions sont déréglées, quelques signes peuvent nous y aider: – elles nous portent vers des biens secondaires, non essentiels: certains plaisirs, les honneurs, les biens passagers. Vaut-il la peine de se mettre en colère parce que ma part de gâteau est plus petite que celle du voisin? Vaut-il la peine de vouer une antipathie tenace à celui ne m’a pas mis à la place d’honneur? – elles sont exigeantes et jamais assouvies: l’avare n’a jamais assez; l’ambitieux n’est jamais assez honoré… – elles sont injustes à l’égard de Dieu qui seul est source de notre bonheur; envers le prochain, victime de nos inimitiés, de nos jalousies; envers nous-mêmes, car elles nous ôtent la paix du cœur et nous dégradent (cf. Écrits de Direction I, n° 1195-1201).
Quelle passion devrait dominer en nous?
Ecoutons le père Chaminade: Notre seule passion devrait être, dans toutes nos actions, et dans toutes les circonstances de notre vie: l’Amour de Dieu. Nous sommes faits pour Dieu. Le désir de lui plaire, de le posséder, ou la crainte de l’offenser et de le perdre, devrait déterminer toutes nos actions; et nous ne devrions avoir d’autre plaisir et d’autre chagrin, d’autre affection et d’autre dégoût, d’autre zèle et d’autre aversion que celle dont l’amour de Dieu serait le principe (Écrits de Direction I, n° 721). Attention! Ne réduisons pas « amour de Dieu » à l’amour que nous avons pour lui! Il s’agit bien de l’amour reçu de Dieu et qui est l’Esprit Saint, lui qui unit le Père et le Fils; l’Amour répandu sur toute la création, sur chacun de nous. Cet Amour, nous le sentons, est plus que la passion et le sentiment, il est ouverture à l’autre, don de soi, oblativité. En ce cas, l’autre et l’Autre, ne sont plus objets: On partage le plaisir de l’union, la joie de la découverte sans cesse nouvelle d’un infini de perfection l’un et l’autre, l’un avec l’autre, l’un dans l’autre (Isabelle Mourral et Louis Millet). La passion amoureuse est purifiée par l’Esprit, transformée par lui et sanctifiée. Elle devient pleinement humaine.
Substituer à la passion dominante celle qui devrait dominer
Ce travail est une part du combat spirituel dans lequel tout disciple du Christ est engagé. De quelles armes disposons-nous? – de la prière et de l’oraison. Nous contemplons Jésus et Marie qui ont vécu passionnément selon le plan de Dieu, qui ont eu pour seule règle de conduite l’amour de Dieu. Nous pouvons exposer notre cœur au travail de Dieu: permettre au « divin cardiologue » de réaliser une transplantation cardiaque: J’ôterai votre cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Nous permettons à l’Esprit de nous éclairer sur les vraies et les fausses richesses, telles que le Christ les a transmises dans les Béatitudes (cf. Luc 6,20-26); – de nos efforts coopérant à la grâce de Dieu pour poser des actes contraires à notre passion dominante. Si nous sommes paresseux, nous répondrons promptement à une lettre reçue, nous ne remettrons pas au lendemain ce qui doit être fait aujourd’hui. Si nous sommes coléreux et impatients, nous cultiverons la douceur, la non-violence. Si nous sommes orgueilleux, l’humilité? etc. Ainsi, peu à peu, le cœur se pacifie. Les passions ne sont plus troublantes: elles retrouvent leur vocation première, dynamiser notre action et notre vie.