Le silence de l’esprit, nous l’avons vu, s’applique à la mémoire, au jugement, au raisonnement, mais aussi à l’imagination. Et nos Fondateurs remarquent que l’imagination prédomine dans un grand nombre de personnes et dans beaucoup de circonstances de la vie de tous (Écrits de Direction I, n° 759). Pour cette raison, ils ont conçu des exercices particuliers en ce domaine.
La « folle du logis »?
Nous sommes la proie de nos imaginations et de nos rêves et trop souvent il existe peu de différence entre notre état de veille et notre sommeil, nous vivons volontiers en marge du réel à la recherche d’un âge d’or. Cette observation de Marie Madeleine Davy, auteure déjà citée dans d’autres articles, n’est pas nouvelle. Nos Fondateurs disaient déjà que le propre de l’imagination est d’occuper l’esprit d’images, de choses qui n’existent pas, et plus souvent de lui exagérer celle des choses qui existent (Écrits de Direction I, n° 760). Leur approche de l’imagination est, à vrai dire, assez négative et pessimiste. Si nous voulons leur être fidèles, il importe de tenir compte des vues actuelles. La philosophie reconnaît que ce terme a plusieurs sens. Elle est le premier genre de connaissance, celle de l’enfant qui, ne comprenant pas un phénomène, l’explique en imaginant; ainsi le soleil est une boule chaude et proche, munie de rayons jaunes. L’imagination entre en jeu dans la fonction fabulatrice (les mythes); dans les rêves; dans la création littéraire ou artistique; elle est à la source de l’utopie. Elle suscite et hante nos fantasmes, ces scénarios imaginaires dans lesquels le rêveur est participant et qui figurent la réalisation d’un désir, d’une pulsion dont il a peur ou qu’il ne peut réaliser. L’imagination est un élan qui se situe dans le rapport entre la sensibilité et l’idée. De fait, notre pouvoir de penser n’est pas tout-puissant, il a besoin d’images. Cette faculté nous rapproche de l’élan créateur de Dieu. Elle n’est « folle du logis » que lorsqu’elle devient la maîtresse de l’homme. Lorsque nos Fondateurs parlent de l’imagination, ils parlent essentiellement de son rôle dans les fantasmes.
L’homme soumis à ses fantasmes
- Son jugement est faussé: prenant pour réel ce qui n’est qu’illusoire, il agit de manière déplacée ou exagérée. Quelques exemples: – Le bien prend l’apparence du mal ou l’inverse: ainsi un jeune se présente en jeans délavés, cheveux longs, boucles aux oreilles… l’imagination le classe immédiatement parmi les gens peu fréquentables, certainement mécréant, etc. – Des dangers ou à des malheurs imaginaires engendrent peur ou tristesse: partant en voyage, on se voit déjà perdu dans une gare, agressé la nuit; devant le retard de celui ou celle qu’on attend, on imagine le pire; quelques douleurs physiques sont le signe d’une maladie incurable…
L’homme servi par une imagination libérée
Face à ce tableau un peu sombre, dépeignons l’homme dont l’imagination est libre grâce au silence.