L’avez-vous vu, ce petit bourdon, tout jeune, sorti de terre ce printemps? Dans un effort titanesque, ses pattes tout engourdies le tirent hors de son trou; il secoue les grains de terre qui l’enserraient. Il s’arrête, comme épuisé, et s’expose aux rayons du soleil. Une première vibration d’aile… la vie gagne sur la torpeur; ses deux ailes se déploient, c’est son premier envol… jusqu’à une fleur toute proche où il puisera avec délectation son premier nectar. Merveilleuse image de la puissance de la vie! Mais que vient faire ce bourdon dans notre chemin spirituel?
Et si j’étais bourdon?
Sortir de son trou, secouer la torpeur ou la paresse, se décrotter de la terre et des scories, n’était-ce pas le but de notre étape précédente: faire mourir en nous ce qui était du passé, ce qui appartenait au vieil homme? Cependant faut-il s’arrêter là? Non! nous sommes appelés à une pâque, un passage vers une vie toute neuve! À présent, exposons-nous aux rayons du soleil pour permettre à l’homme nouveau de s’épanouir. Le soleil du Christ Ressuscité, le soleil de l’Esprit, don du Père et du Fils. Le temps d’oraison, d’adoration du Saint Sacrement, de prière silencieuse n’est-il pas le temps d’exposition au soleil de Dieu – Trinité? Le temps où, à l’exemple de Marie, nous nous laissons pétrir, transformer par l’Esprit? Trop souvent, nous baratinons Dieu, nous l’inondons de paroles, de sentiments, de demandes et nous pensons avoir fait une bonne oraison lorsque nous avons eu beaucoup d’idées… Nous parlons d’exposition du Saint Sacrement, je dirais plus volontiers exposition au Saint Sacrement. S’exposer au soleil de Dieu pour qu’Il purifie, vivifie, fortifie. Un flot d’images, de pensées étrangères viennent-elles perturber ce temps? Laissons-les passer comme les nuages: tant que le cœur est tourné vers Dieu, elles ne sont pas néfastes. Pour avancer sur notre chemin de conformité au Christ, ce point est important, car c’est accepter de n’être pas les maîtres de notre transformation, de nos progrès. C’est mettre toute notre confiance dans l’action de Dieu qui fait de nous des saints. Cette attitude à l’égard de Dieu s’applique aussi à l’égard de Marie. Nous la prenons parfois pour la bonne de service: fais que… accorde-nous… fais ceci pour nous… donne-nous… etc. Je ne doute pas que ce cela parte d’une grande confiance envers celle qui intercède pour nous. Mais notre amour filial doit aller plus loin, à savoir nous laisser éduquer et former par elle à l’image de son Fils premier-né. Lui permettre de travailler avec l’Esprit et sous sa conduite à être des hommes nouveaux, comme des petits enfants nouveau-nés (1 Pierre 2,2) ou comme… un bourdon. Les rayons du soleil vont réveiller en nous de nouvelles capacités, vont nous permettre l’envol vers des réalités insoupçonnées, vers une vie nouvelle, celle de l’homme image de Dieu, recréé à l’image du Christ au jour de notre baptême.
Qui est cet homme nouveau?
Si nos Fondateurs nous ont proposé de passer par la mort du vieil homme, grâce à l’humilité, la modestie intérieure, l’abnégation de soi, la renonciation au monde, c’est afin que nous vivions de manière nouvelle. Cet homme nouveau est l’homme théologal qui vole avec les ailes de la foi, de l’espérance et de la charité. Ce seront les prochaines étapes de notre chemin… à la suite du petit bourdon. Chantez avec la voix, chantez avec le cœur, chantez avec la bouche, chantez par toute votre vie… Vous voulez dire les louanges de Dieu? Soyez ce que vous dites. Vous êtes sa louange, si vous vivez selon le bien (saint Augustin, Homélie sur l’Ancien Testament).