Dans l’article précédent, nous avons vu comment le Père nous conformait à son Fils, nous rendait notre visage de fils par l’Esprit Saint. Mais il a donné également mission à Marie de nous former à la ressemblance de son Fils premier-né. Nous avons là une note essentielle du charisme marianiste et de sa spiritualité. Nous l’appelons souvent Maternité spirituelle de Marie. Le Concile, dans le chapitre VIII de Lumen Gentium et saint Jean Paul II dans son Encyclique sur la Mère du Rédempteur ont confirmé ce que l’Église pense et expérimente depuis les premiers siècles. Nous ne pourrons pas tout dire ici, nous ne retiendrons que deux aspects essentiels de cette maternité.

Marie, notre modèle

Ce terme nous gêne souvent. On pense qu’il s’agit de recopier, de se conformer passivement, d’imiter servilement. Par ailleurs, nous entendons que les jeunes manquent de points de repères, de références: ils ne trouvent plus chez les adultes ce qui leur permettrait de construire leur propre personnalité. En fait, ils manquent de « modèles ». Et ceux auxquels ils veulent s’identifier, chanteurs, sportifs, acteurs, héros de romans ou de BD, ne sont pas toujours des experts en humanité et encore moins en spiritualité. Le « modèle » est une personne en qui on voit des valeurs vécues au quotidien, sans honte comme sans hypocrisie, qui donnent sens et unifient sa vie. Des valeurs qui sont source de vie, de dynamisme. Celui ou celle qui regarde vers ce modèle intègre ces valeurs comme points de repères et va les traduire dans sa propre personnalité, activement et librement, acceptant consciemment son influence, sans idéaliser son modèle et sans s’identifier à lui. Et le modèle maternel est important, témoin cette réflexion d’un jeune: Ma mère m’a abandonné, je serai toujours un révolté! Regarder Marie, modèle du disciple du Christ, modèle de qui veut se laisser transformer par l’Esprit à la ressemblance du Christ. Regarder, et plus encore, nous laisser regarder par elle, ce regard de l’icône qui transforme. Pourquoi pouvons-nous prendre Marie comme Modèle? Parce qu’elle est « humaine » et qu’elle a été parfaitement conformée au Christ. Ce qu’affirme le père Chaminade: L’Esprit de Dieu, qui formant miraculeusement le corps de Jésus-Christ du plus pur sang de Marie dans son sein virginal, formait en même temps l’âme de Marie sur Jésus-Christ, imprimait en elle tous les traits de sa ressemblance; de manière que, comme selon la nature, Jésus-Christ recevait la vie de Marie, de même, dans l’ordre de la grâce, Marie recevait la vie de son adorable Fils et lui devenait en tout semblable. Les traits de conformité étaient de la plus haute perfec­tion, parce que Marie y correspondait avec une entière et parfaite fidélité. (Écrits de Direction II, n° 479). Une conformité telle qu’elle atteint l’uniformité: Marie quoique très sainte dès le premier moment de sa conception, n’est cependant parvenue au dernier degré de la perfection, ou parfaite uniformité avec Jésus Christ, qu’au moment de sa très sainte et très précieuse mort (Écrits de Direction II, n° 476). Notons au passage que la Vierge Marie a vécu une croissance spirituelle.

Marie notre Mère

Marie de laquelle est né Jésus (Matthieu 1,16). Cette révélation est un grand principe de vie spirituelle d’où découlent deux aspects: – Jésus, conçu de l’Esprit Saint, né de la Vierge Marie. Mais Dieu ayant fait à Marie le don ineffable de la faire la Mère de l’auteur et consommateur du salut des hommes et par conséquent du premier des prédestinés: Marie devait être la Mère des prédestinés (Écrits de Direction II, n° 480), Tout ce que Marie porte dans son sein, ou ne peut être que Jésus Christ même ou ne peut vivre que de la vie de Jésus-Christ. Marie nous porte… jusqu’à ce qu’ayant formé en nous les premiers traits de son Fils, elle nous enfante comme lui (Écrits de Direction II, n° 339). – Jésus reçoit son éducation, ses « accroissements », selon les termes du père Chaminade, de Marie. Il leur était soumis (Luc 2,51). L’humanité de Jésus-Christ selon la nature, ne prit que notre ressemblance dans le sein virginal de Marie. Elle y fut neuf mois; mais après, elle prit son accroissement et sa perfection physique hors de son sein, mais toujours avec son auguste Mère, compagne et comme directrice de ses augustes mystères. Ses plus grandes opérations dans l’objet de sa mission n’eurent lieu que par la Médiation de Marie, telle que la sanctification du saint précurseur, le miracle des Noces de Cana, qui le fit connaître à ses disciples, comme Fils de Dieu (Écrits de Direction II, n° 478). Et plus loin: on ne sera pas longtemps à son service sans prendre bientôt les mœurs et l’esprit de Jésus-Christ: c’est Marie qui fera en quelque sorte son éducation religieuse (Écrits de Direction II, n° 343). Nous avons tous été conçus en Marie, nous devons naître de Marie et être formés par Marie à la ressemblance de Jésus-Christ que nous ne vivions que de la vie de Jésus-Christ, que nous soyons comme avec Jésus-Christ d’autres Jésus, Fils de Marie… Avec le Christ, un seul Christ (Écrits de Direction II, n° 420). Si Jésus a voulu ainsi être guidé par sa Mère, que pouvons-nous faire de mieux, nous qui voulons « suivre le Christ »? Ces textes peuvent susciter en nous une très grande confiance pour entreprendre ou continuer notre chemin spirituel. Méditons-les en demandant au Christ de nous inspirer la confiance et la docilité que lui-même a eues envers Celle qui lui fut donnée par le Père pour être son « Éducatrice ». Ces textes ne contredisent-ils pas ce qui a été dit de l’Esprit Saint? N’attribuent-ils pas à Marie une action divine, celle de l’Esprit Saint? Une phrase de notre Fondateur met bien les choses en place, me semble-t-il: Quelle dévotion et quelle confiance le directeur inspirera en Marie à son élève afin d’obtenir par Marie de plus en plus les traits de conformité avec Jésus-Christ qu’opèrera l’Esprit de Jésus-Christ (Écrits de Direction II, n° 420). Cette « conception » et cette « éducation » par Marie nous permettent de prendre une conscience toujours plus vive du rôle maternel de l’Église dont Marie est la figure. Ce parallèle Marie – Église est un des plus anciens qui soit développé chez les Pères de l’Église. C’est pourquoi le père Chaminade, en partant du texte de saint Paul aux Ephésiens: Le Père nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs par Jésus-Christ, ainsi l’a voulu sa bienveillance, dit cette naissance éternelle et cachée en Dieu a été manifestée lorsqu’il a plu à Dieu de nous séparer de tant de peuples, pour nous faire recevoir le baptême. Cette seconde naissance a un grand rapport avec celle de Jésus-Christ né de la Vierge Marie, Dieu et homme. Nous sommes hommes, puisque ce qui est né de la chair est chair, et nous sommes en quelque sorte divinisés, puisque ce qui est né de l’esprit est esprit (Jean 3). Par le baptême nous sommes rendus participants de la nature divine… (Écrits de Direction II, n° 482). Pressentez-vous la faim et la soif des hommes de ce temps? Combien ils ont besoin de Jésus-Christ? Répondre à cette attente exige de tout chrétien d’être un autre Christ! Tâche insurmontable? Non! L’Esprit Saint et Marie Le formeront en nous.