Le bienheureux Chaminade a vu et vécu la Révolution et ses suites. Mère Adèle en verra les effets pernicieux. Les deux constatent les conséquences désastreuses de la philosophie des Lumières (Voltaire, Diderot, etc.) Aussi brossent-ils un tableau très sombre de la situation du monde: Le divin flambeau de la foi se meurt disait Chaminade; nous vivons sur une terre de mort où tout est danger, où tout est corruption, disait mère Adèle (Lettres Adèle, n° 332,3). Pour vivre de Jésus-Christ et selon l’Évangile, il fallait se séparer de ce monde, y renoncer, et totalement. Nous ne pouvons à la fois être de Jésus-Christ et du monde (Lettres Adèle, n° 99, 115), affirmait Adèle alors âgée de 20 ans. Quelques années plus tard, elle a ce mot très fort: Nous avons dans notre Baptême fait un divorce avec le monde, renoncé à ses vanités, à l’orgueil, à la sensualité, à l’avarice, etc. (Lettres Adèle, n° 270.4). Cette vision, loin de les enfermer dans un pessimisme décourageant, ravive en eux l’ardeur apostolique. Pas une minute à perdre! Il faut courir au secours des âmes qui s’égarent; aller jusqu’au bout du monde s’il le faut, et même donner sa vie, comme le Christ, par amour de l’humanité. D’où l’étonnante multiplicité et vitalité des œuvres de zèle qu’ils suscitent.
Comme tu m’as envoyé dans le monde, je les envoie dans le monde (Jean 17,18)
Il est bon de nous rappeler que dans saint Jean le mot monde a plusieurs sens que nous retrouvons sous la plume de nos Fondateurs: 1. l’univers; 2. le monde des hommes aimés de Dieu et à qui le Père envoie son Fils; 3. le monde des hommes qui refusent Dieu et la révélation de Jésus-Christ, qui refusent la lumière sous l’emprise du Prince de ce monde (Jean 12,31); c’est à ce monde-là que mère Adèle se réfère lorsqu’elle parle de divorce. Ainsi, Jésus nous envoie dans le monde (au deuxième sens du terme) en nous demandant de l’aimer comme Lui l’a aimé. Le baptisé est un passionné de l’homme! Et nos Fondateurs n’ont pas hésité à envoyer les congréganistes d’abord, les consacrés ensuite, dans le monde pour y enseigner la foi et les mœurs chrétiennes. Le chrétien est inséré dans le monde pour y annoncer et y vivre le mystère pascal du Christ. Ce faisant il est prophète qui organise le monde tout en contestant l’esprit mondain. Le chrétien, pénétré, façonné, pétri par l’Esprit du Christ, peut introduire dans ses réalisations terrestres – politiques, sociales, économiques, familiales – l’œuvre rédemptrice du Christ.
Pour réfléchir en Fraternité ou en groupe
Bon nombre de chrétiens – nous peut-être – ont une vision très pessimiste du monde actuel et une propension à juger les hommes du haut de leur vertu! Comment changer ce regard? Quelles initiatives pouvons-nous prendre, à l’exemple de nos Fondateurs, pour annoncer à nos frères les hommes que le Christ leur donne un message de libération qui leur permette d’être pleinement hommes?