Le 7 mai dernier, Raymonde Kleinhentz, d’entente avec Roger, m’avait demandé un texte pour «Vie et fraternité marianistes» (VFM) d’octobre afin d’introduire le thème de l’année 2018-2019, «L’appel à la sainteté dans le monde d’aujourd’hui». J’avais répondu oui le lendemain. Le temps passant, entre obligations professionnelles et engagements bénévoles, j’avais reporté sa rédaction à l’été. Je cherchais à être disponible d’esprit et de cœur. Enfin, je me suis mise au travail, y consacrant la soirée du 10 août en réponse à un appel intérieur entendu durant la journée. Le lendemain, j’apprenais que Roger s’en était allé discrètement ce jour-là. Aujourd’hui, dans la foi, je crois qu’il n’est pas étranger à cet appel, qu’il y est pour quelque chose si ce vendredi-là j’ai rédigé le dernier texte qu’il m’avait demandé.
Car Roger me faisait confiance: à plusieurs reprises, il m’avait demandé d’écrire pour VFM: sur ma foi, mon chemin avec Marie, la spiritualité marianiste. J’ai toujours dit oui avec une grande joie. Chaque texte était un défi: il m’obligeait, pour nourrir mes lecteurs, à aller loin en moi, à m’interroger sur ce qui me faisait vivre et avancer. Je savais Roger précis et exigeant et je me suis toujours efforcée de donner le meilleur de moi-même.
Nous étions très proches aux plans spirituel et littéraire. Car Roger, c’est d’abord pour moi un écrivain, une plume qui a façonné et entraîné la mienne. Du moment où j’ai fait sa connaissance – lors d’un pèlerinage de la Famille marianiste de Suisse au sanctuaire marial Notre-Dame de Bon Secours de Saint-Avold, en Moselle, le 12 octobre 2002 –, je me suis mise à lire ses livres et, pour beaucoup, à les recenser. J’ai trouvé dans ses romans, ses récits et ses nouvelles, outre une capacité à raconter des histoires et à prendre le lecteur par la main, une profondeur puisée dans le terreau d’une foi chrétienne incarnée et vivante. Sa précision historique et théologique m’a toujours impressionnée, résultat de lectures approfondies. J’ai aimé chacun de ses livres. Prenant en main un roman de Roger, je savais que j’avais devant moi un texte solide qui nourrirait mon terreau intérieur et affinerait ma plume.
Lorsqu’à mon tour j’ai rédigé un manuscrit, c’est tout naturellement que je le lui ai envoyé. Il est l’un des rares à l’avoir lu avant publication. Et il m’a encouragée à le publier, me prodiguant des conseils précieux. Si «Mais il y a la lumière» a vu le jour, c’est en grande partie grâce à Roger. Il avait deviné la force et les potentialités de ma plume, et il me l’a dit avec pudeur. Un puissant encouragement qui me porte aujourd’hui encore!
Ma route a croisé plus étroitement celle de Roger entre 2010 et 2012, lors de ma formation comme accompagnatrice des fraternités marianistes. Il fut tout à la fois mon formateur et mon tuteur. Un temps de grâce qui m’a permis de côtoyer un homme d’une foi sereine et profonde et d’une grande humanité. A la fois fragile – la maladie ne le laissait pas en repos – et fort d’une force puisée dans la prière et la spiritualité marianiste, qu’il incarnait à mes yeux.
Roger, c’était aussi une parenté d’esprit dans notre façon de vivre notre foi: j’ai trouvé en lui un ardent défenseur des laïcs et de leur engagement au cœur de l’Eglise et du monde. Sa conviction rejoignait la mienne: laïcs marianistes nous avons, en disciples de Marie, «la première en chemin», à nous engager dans toutes les réalités de la société, y témoignant d’une foi solide et d’une espérance missionnaire nourrie au creuset de la communauté. Nous avions plaisir à échanger sur nos engagements à la lumière de l’Evangile et de nos lectures.
Vous découvrirez dans le numéro de VFM d’octobre la recension de «Mais il y a la lumière», sans doute un des derniers textes qu’il a rédigés. Ces lignes témoignent d’une confiance que je garde en moi comme un trésor. Roger est décédé quelques mois après la sortie du livre. Comme s’il avait attendu que porte fruit cette confiance qu’il ne m’a jamais retirée. Et comme pour me dire: «C’est à toi de continuer. Va, avec la force de la foi». Je reprends le flambeau avec reconnaissance et émotion. Dans mes yeux, j’ose l’espérer, la flamme qui était la sienne. Et dans mes mains, l’espérance qu’il n’a cessé de semer. Merci, Roger.
Geneviève de Simone-Cornet
Nyon, le 13 août 2018
