Frères et sœurs, chers paroissiens, chers amis,
Je voudrais tout d’abord m’adresser à vous, chers confrères de la communauté des Marianistes. Il y a 200 ans, ‘’les 5 premiers appelés’’, comme les dénomme le bienheureux Chaminade, fondaient à Saint-Laurent, la Société de Marie. Votre Congrégation naissait dans une sacristie de la chapelle de la Madeleine à Bordeaux. Et dès le départ elle a montré un enthousiasme missionnaire extraordinaire, puisqu’on la voit essaimer dans notre pays dès les années 1865. Durant ces longues années, votre communauté a marqué la vie de notre ville, de notre diocèse, de notre canton et bien au-delà. Que de générations d’enseignants avez-vous formés! Par vous, les instituteurs de notre Canton mettaient leur honneur non seulement à dispenser un savoir précieux aux enfants des écoles, mais à accompagner leur éducation vers l’âge d’hommes, de citoyens, et de chrétiens adultes.
De tout cela, nous vous sommes très redevables et reconnaissants. Pour ce qu’a été la Congrégation des Frères de Marie, nous rendons grâce à Dieu. Mais il faut également se rendre à l’évidence. Depuis quelques années, votre présence en Valais s’est peu à peu amenuisée. Les frères se sont retirés de l’enseignement. Votre Institut connaît le genre d’épreuve partagée par les autres communautés religieuses, épreuve du non renouvellement. Du point de vue des vocations nouvelles qui assureraient votre permanence, c’est le désert.
Or il se trouve que l’Evangile de ce dimanche nous emmène précisément au désert. Entrons-y avec Jean-Baptiste.
Le désert est caractérisé par des conditions de vie difficiles, parfois extrêmes. Jean-Baptiste en a expérimenté la rudesse et il en tire la leçon pour illustrer sa prédication. C’est précisément dans le désert que se présente la possibilité d’ouvrir une voie droite pour le Dieu qui vient.
Oui, Dieu vient pour son peuple; il vient dans nos déserts; il vient dans nos vies.
Il vient pour son peuple, comme au temps du prophète. Les tensions et les affrontements de l’époque ont laissé non seulement un désert matériel, comme c’est le cas de toutes les guerres, mais un désert spirituel, comme c’est aussi le cas dans nos conflits et guerres d’aujourd’hui. Jean-Baptiste s’inscrit dans un moment historique où son pays est sous l’occupation romaine, ce qui est désespérant pour beaucoup. C’est alors que, dans le désert, paraît Jean. Il invite à une conversion à laquelle le peuple adhère.
La prédication de Jean-Baptiste me semble d’une très grande actualité. Nos sociétés où l’on a tellement découvert de choses et où l’on a à peu près tout expérimenté, ces sociétés présentent de vastes espaces dont on a parfois l’impression que l’humain n’habite plus. Certains se sentent et vivent réellement dans un désert d’humanité. Pour tant d’hommes et de femmes traités comme des objets et dont la vie ne pèse pas lourd, c’est le désert de la dignité qui est vécu. Le Pape François interroge: «Il n’est pas possible que le fait qu’une personne âgée réduite à vivre dans la rue, meure de froid ne soit pas une nouvelle, tandis que la baisse de deux points en bourse en soit une. Voilà l’exclusion…. Aujourd’hui, tout entre dans le jeu de la compétitivité et de la loi du plus fort, où le puissant mange le plus faible. … Pour pouvoir soutenir un style de vie qui exclut les autres, ou pour pouvoir s’enthousiasmer de cet idéal égoïste, on a développé une mondialisation de l’indifférence. Presque sans nous en apercevoir, nous devenons incapables d’éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, nous ne pleurons plus devant le drame des autres, leur prêter attention ne nous intéresse pas… la culture du bien-être nous anesthésie. » (EG 53 54) Dans nos déserts d’amour, de foi ou de morale évangélique, cette parole du Pape François a la force d’un cri de prophète. Elle est une invitation à tracer des voies où l’homme puisse marcher à la rencontre de l’humain profond et à la rencontre de son Dieu. Il y a des attentes et donc de la place pour que des personnes s’engagent avec cet idéal de vie. Si les Marianistes qui avaient mis leur charisme au service de l’éducation et de l’enseignement sont relayés professionnellement par d’autres compétences, pourquoi ne seraient-ils pas relayés sur le plan de la vie religieuse par une nouvelle communauté attentive à tracer dans les déserts contemporains des voies pour le Seigneur?
Parce que de fait, Dieu vient dans nos vies. Je crois qu’il nous faut miser sur la capacité de tout être humain, et des jeunes en particulier à laisser la parole des prophètes toucher cette part au plus intime de leur cœur, où brille la lumière de la ressemblance. Nous sommes créés à son image et cette lumière si petite soit-elle, n’a jamais été éteinte. L’Avent que nous vivons, mais aussi ce 200e qui nous réunit, sont des temps favorables pour que la flamme reprenne à un feu nouveau. Nous vivons un temps favorable de préparation pour que nos déserts personnels, que les déserts des communautés religieuses et les déserts de l’Église refleurissent. Que le Dieu qui vient leur redonne fertilité.
AMEN
Auteur de l'homélie:Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion